Mystery Road

Une série proposée par Arte qui sera bientôt dispo en coffret avec deux films (une préquelle et une séquelle).
Ca se passe dans le bush australien, dans la région occidentale. Les paysages sont sublimes, désertiques, et parfaitement mis en valeur par une caméra qui s'amuse à placer des plongées verticales dans chaque épisode (sauf le dernier, qui change un peu de ton). Dans ces déserts de terre séchée et de rocaille où la verdure est rare, les tensions montent dans les petites bourgades paumées : les jeunes désoeuvrés saisissent la moindre occasion pour s'extirper de l'ennui qui les gagne et les métis aborigènes continuent à regarder de travers les Blancs qui occupent encore les postes à responsabilité. Là-bas aussi, les flics blancs tapent plutôt les Noirs et un flic noir, c'est forcément un vendu.
En fait, beaucoup d'éléments inscrivent la série dans un western moderne. On s'y adonne au rodéo, on se balade en santiags avec des chapeaux de cowboys et on ne dédaigne pas dégainer quand il le faut.
Dans cet univers, Jay s'est fait une petite réputation. Promu inspecteur après avoir dégommé une bande de motards à lui tout seul (ou presque), il est muté dans ce trou perdu pour aider la chef de la police locale à retrouver deux ados, l'un d'eux (Marley) étant une star du foot universitaire (mais le football australien, le truc pas fait pour les chochottes). Si on a vu le premier film, dans lequel apparaissait Hugo Weaving en flic ripou, on connaît la personnalité de Jay : solitaire, impulsif, taciturne mais un enquêteur hors pair, attentif au moindre détail, particulièrement observateur et tenace. Sa mixité raciale lui ouvre certaines portes, mais lui en ferme d'autres et il a l'habitude d'être pris de haut. Sauf que son attitude lui vaut aussi de vivre seul, sa femme l'ayant quitté depuis belle lurette avec sa fille.
Et là, très vite, Jay va s'apercevoir que plein de choses ne collent pas dans cette disparition : le véhicule retrouvé en plein désert, des traces de sang et d'accident à une intersection, des mecs qui trempent dans un trafic de drogue à l'échelle de l'état (chose qu'il connaît bien), un riche propriétaire terrien sur le point de vendre ses terres à un organisme défendant les droits des indigènes pour une somme trop élevée... Là-dessus, sa fille débarque et un homme sort de prison : c'est l'oncle d'un des disparus, qui a purgé dix ans pour viol sur mineure qui n'est autre que la petite amie de l'autre disparu. Jay sent que tout ces éléments sont liés, mais comment ?
Comme dans le film de 2013, le rythme est lent, propice à l'observation et la réflexion. On profite à loisir de somptueux plans sur la nature environnante, austère mais majestueuse qui pèse sur le caractère de ces individus un peu désabusés. Jeunes ou vieux, les acteurs choisis sont remarquables, les dialogues incisifs mais brefs et le scénario sait ménager ses surprises, donnant chaque fois l'impression d'être tout près de la résolution avec un nouvel élément vienne tout bouleverser. On s'amuse à échafauder des théories car les possibilités sont multiples : manifestement, beaucoup mentent ou cachent des informations ; Shevorne a bien été violée, mais est-ce vraiment l'oncle de Marley qui est coupable ? Pourquoi Reese avait-il pris une autre identité ? Marley trempait-il dans le trafic de drogues ? Que savaient ces jeunes sur l'état des réserves d'eau qu'ils étaient chargés d'inspecter ? S'ils ne sont pas morts, où sont-ils ? Et surtout : pourquoi ne se montrent-ils pas ?
Et alors que les hypothèses commencent à se multiplier, l'un des deux disparus refait surface. Et les événements se précipitent.
Apre, tendue, prenante, une série réussie qui parvient à éviter le piège d'une résolution trop spectaculaire (comme dans le film).